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Intelligence Artificielle

Publié le

Par Guilhem Barroyer, Sylvain Melchior

Boldo | L’IA et le COMEX : un nouvel éclairage sur le Système d’Information

Comment l’intelligence artificielle amène les dirigeants à reconsidérer le rôle stratégique du SI dans la transformation des entreprises?

Un regard souvent limité sur le SI

Pendant des années, le Système d’Information a souvent été perçu dans les comités exécutifs comme un actif essentiellement tactique, rarement stratégique.

Le rôle de “centre de coûts”

Les grandes initiatives SI telles que la modernisation d’ERP, la migration vers le cloud ou le renforcement de la cybersécurité ont souvent été vues comme :

  • des projets réactifs, déclenchés par une urgence (obsolescence, fusion-acquisition, faille de sécurité),
  • des investissements difficiles à traduire en création de valeur visible pour le business,
  • un sujet avant tout technique, porté par la DSI et éloigné des préoccupations immédiates des dirigeants.

Cette perception a contribué à maintenir le SI dans une position de second plan. Un élément critique mais difficilement considéré comme un levier direct de compétitivité.

Big Data et SaaS : deux tendances qui ont failli changer la donne

Deux grandes vagues technologiques ont semblé capables de changer cette vision :

  • Big Data : les initiatives de datalakes ont généré des volumes massifs de données. À défaut de ne créer aucune valeur métier claire, faute de gouvernance et d’intégration.
  • SaaS : ces solutions ont permis aux équipes métiers de gagner en agilité et de déployer des outils plus vite. Elles ont facilité la digitalisation sans toujours passer par la DSI. Cela a ainsi fragmenté le système d’information et favorisé l’apparition d’un shadow IT difficile à maîtriser.

En somme, l'intérêt pour le SI est resté marginal malgré l'adoption et l'impact réel de ces nouvelles technologies sur les organisations.Le SI n’a toujours pas trouvé sa place comme socle stratégique aux yeux du COMEX. La vision purement technique du SI persistait, et a freiné son adoption comme levier de prise de décision à l’échelle du COMEX.

L’IA : un changement de perspective

Avec l’IA générative, la situation évolue. Ce mouvement s’inscrit dans une dynamique d’adoption de l’IA à grande échelle, dans tous les secteurs d’activité.

Un effet Waouh & FOMO inédit

Qu'il s'agisse d'utiliser ChatGPT ou d'automatisations plus complexes, l'IA impressionne. Elle est accessible à tous, rapide et pleine de promesses.

Les dirigeants pensent que ce n'est pas juste une tendance passagère. Ils voient cela comme un vrai mouvement, comme l'invention de l'électricité ou d'internet en leur temps.

D’où un sentiment d’urgence : retarder l’exploration de l’IA, c’est courir le risque de se laisser distancer.


« Une entreprise qui n’utilise pas l’IA générative prend un véritable risque, car elle se prive d’un outil puissant de compétitivité. »

Alain Goudey (NEOMA Business School) - IA générative et transformation des entreprises : qu’en dit la recherche ?

L’importance d’un socle solide

Très vite, les COMEX réalisent que l’IA n’est pas seulement un outil impressionnant. Pour en faire une source de création de valeur, elle a besoin de bases solides.

Ce qui était parfois perçu comme technique devient soudain évident :

  • gouvernance et qualité des données,
  • sécurité et maîtrise des accès,
  • APIs documentées et interopérabilité,
  • architecture intégrée et lisible,
  • une couche sémantique qui relie les métiers et l’informatique.

Autrement dit, les priorités défendues de longue date par les DSI (urbanisation, API-sation, gouvernance) trouvent désormais une légitimité stratégique.

Éviter les écueils de l’enthousiasme

Face à l’engouement, la tentation est grande de multiplier les POC ou les démos spectaculaires. Mais sans infrastructure, gouvernance et vision claire, ces initiatives risquent de rester sans suite.

Préparer un SI “conversationnel”

Mettre en place un système d’IA conversationnel ne relève pas seulement du déploiement technique. Pour être réellement utile, une IA doit accéder aux bons flux et aux bonnes données. Cela soulève des enjeux de gestion des risques liés à l’IA : sécurité, qualité et gouvernance des données, impact sur les processus métier. Pour y répondre, il faut mettre en place des fondations solides :

  • une API-sation généralisée,
  • des environnements d’expérimentation maîtrisés,
  • un pilotage rigoureux des modèles et de leurs biais,
  • une cybersécurité adaptée aux nouveaux usages.
  • une contextualisation sémantique de la réalité métier, essentielle pour résoudre efficacement les problèmes.

Renforcer la gouvernance

L’IA agit comme un accélérateur : elle révèle la qualité ou la fragilité du système existant.

Une gouvernance claire, qu’elle soit humaine (rôles, supervision), technique (qualité et traçabilité des données) ou sémantique (langage partagé entre IT et métiers), devient incontournable.

Penser souveraineté et éthique

La dépendance à des modèles globaux soulève des enjeux de coût, de résilience et de contrôle. Le développement de modèles spécialisés et souverains est une voie de plus en plus explorée.

Par ailleurs, prendre en compte les questions d’éthique, de transparence et de confiance s'avère essentiel. Ces questions conditionnent l’acceptabilité de l’IA auprès des collaborateurs, des clients et des régulateurs.

Conséquences pour le rôle du DSI

Cette dynamique place les DSI dans une position singulière : celle de passer d’un rôle de gardien de l’infrastructure à celui de catalyseur stratégique.

Une responsabilité élargie

Le DSI doit comprendre les cas d’usage, mais aussi travailler sur leur mise en place et leur industrialisation. Cela inclut l’orchestration d’un SI conversationnel, l’intégration de modèles d’IA souverains et le pilotage de projets IA à fort impact opérationnel ou stratégique.

Il doit également anticiper la réglementation à venir, comme l’IA Act, et contribuer à définir les stratégies IA de l’organisation. Dans certains cas, il est important de désigner un responsable de l'IA. Cette personne doit s'assurer que les initiatives sont cohérentes et éthiques.

Retour au cœur de la valeur métier

L’IA rappelle une évidence : sans un SI cohérent et des données gouvernées, aucune innovation n’est tenable à long terme.

Le DSI redevient l’acteur central pour :

  • garantir l’intégrité et la cohérence de la donnée,
  • la mise en œuvre d'une collaboration transverse,
  • relier les objectifs business (ROI, compétitivité, time-to-market) à la mécanique technique.

Une nouvelle posture

Le DSI a désormais l’occasion d’être vu comme :

  • un stratège, qui articule vision technologique et ambitions business,
  • un pédagogue, qui accompagne COMEX et métiers dans une compréhension partagée,
  • un équilibriste, capable d’innover rapidement tout en sécurisant et en garantissant la pérennité.

Cette position n’est pas sans tensions : attentes élevées, arbitrages complexes, pression du temps.

Mais elle constitue aussi une opportunité historique : celle de replacer le DSI et le SI au centre de la stratégie d’entreprise.